Des documents, mis en circulation par des ennemis politiques du clan au pouvoir au Kazakhstan, montrent que des centaines de millions, qui auraient été blanchis par le gendre du président, auraient transité par des banques suisses. Le Ministère public de la Confédération a ouvert une enquête, apprenait-on il y a trois semaines.
Les sommes sont astronomiques; les enjeux politiques, considérables. Et la pression grandit sur le Ministère public de la Confédération (MPC). La Suisse a encore reçu la semaine dernière une missive de plaignants kazakhs, qui ont diffusé des documents accablants pour Timur Kulibayev, le gendre du président Nazabaïev, qui est sous enquête en Suisse depuis septembre.
La TSR a pu reconstituer certains des faits qui intéressent la justice helvétique, en consultant les documents mis en ligne par Mukhtar Abliazov, ennemi juré du clan Nazarbaïev et instigateur de la dénonciation suisse.
Des actions achetées 20 dollars et vendues 140 millions
Exemple flagrant parmi d'autres, en avril 2003. Le gouvernement kazakh met aux enchères 25% d'actions d'une de ses sociétés gazières. C'est la CNPC, la compagnie pétrolière nationale chinoise, qui remporte la mise pour 150 millions de dollars. Or, selon des experts, ces actions valaient en réalité plus de 1 milliard et de dollars. En échange, les Chinois ouvrent une société off shore aux Iles Cayman, dont Kulibayev, via sa propre société off shore Darley, acquiert 49% des parts, pour 49 dollars. En octobre 2005, il revend 20% de ces parts aux Chinois pour 140 millions, une somme reversée sur un compte UBS à Genève...
600 millions blanchis et dilapidés?
Par la suite, en 2006, il est question d'un transfert de 600 millions de dollars appartenant à Timur Kulibayev, d'un compte UBS vers un compte du Crédit suisse à Singapour, sous couvert d'un fonds d'investissement baptisé Handdox.
Une somme rapidement dilapidée. Il acquiert un jet, photographié récemment à Genève ; il aurait aussi dépensé pas moins de 120 millions pour six propriétés en Angleterre. Parmi ces achats, un manoir vendu par le Prince Andrew, ami et partenaire de chasse de Kulibayev, comme l'a révélé la presse britannique. Selon certaines sources, cet argent aurait aussi servi à acquérir deux propriétés au Tessin. Enfin, les enquêteurs se demandent s'il y a un lien avec la villa de Dinara, la femme de Kulibayev, à Anières. Prix de l'objet: 74 millions de francs.
Les enquêteurs ont déjà demandé des saisies de documents et de fonds. A ce stade, les banques et le Ministère public s'abstiennent de tout commentaire.
Agathe Duparc et Ron Hochuli
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